Matière Ultime

MATIÈRE ULTIME

Du 26.09 au 02.12.22
Archizoom, SG building, EPFL

Après le recyclage et l’incinération, les résidus de nos biens de consommation deviennent une matière qui semble venir d’une autre planète. Ils forment l’archipel d’une nouvelle strate géologique. Avant que les civilisations futures y trouvent la couche sédimentaire de l’anthropocène, ce mâchefer issu des hauts fournaux peut-il nous informer sur l’impact de nos modes de vie sur le territoire ?

Exposition commissionnée par Raum404 : Lucile Ado, Oscar Buson et Archizoom : Solène Hoffmann, Cyril Veillon.

ÉVÉNEMENTS

Nuit des musées samedi 24 septembre 2022, 14h00-00h00
Visites guidées (30’) 15h30, 19h30, 21h30
Animation Tridel Métamorphosé, en continu

Vernissage lundi 26 septembre 2022, 18h00
Avec Raum404 : Lucile Ado, Oscar Buson, en français

Conférence lundi 10 octobre 2022, 12h15
Demolition as an exception? 
Conférence par le collectif Countdown 2030

Visite guidée lundi 24 octobre 2022, 17h00
Avec Raum404, en français
Sur inscription

Table ronde lundi 24 octobre 2022, 18h30
Urban Bricolage? (1), Réemploi: de l’enseignement à la pratique
Modérée par Corentin Fivet, en français

Visite guidée lundi 14 novembre 2022, 17h00
Avec Raum404, en anglais
Sur inscription

Table ronde lundi 14 novembre 2022, 18h30
Urban Bricolage? (2)Which processes and technologies for reuse ?
Modérée par Martin Fröhlich, en anglais 

Architecture et Cinéma mardi 22 novembre 2022, 18h30
Ancien cinéma Eldorado, Maison du peuple, Lausanne
Fabrication et narration de la matière, avec Véronique Patteeuw & Benoît Rossel. Projection du court-métrage Le Chant du styrène réalisé par Alain Resnais (1958) et d’un extrait du film Koyaanisqatsi réalisé par Godfrey Reggio (1983), suivie d’une discussion entre les intervenant·es et d’un apéro.
Modérée par Romain Barth

Conférence lundi 28 novembre 2022, 18h30
Moratorium on new construction, Charlotte Malterre-Barthes, en anglais


Monthey (VS), étang des Mangettes, ordures ménagères et déchets chimiques, de 1961 à 2000. Photo © Solène Hoffmann 

INTRODUCTION

Des hauts fourneaux des usines d’incinération naissent des objets qui semblent venir d’une autre planète. C’est le mâchefer, résidus de nos biens de consommation, que les travailleureusesx de l’usine du Bois de Bay près de Genève appellent “les monstres”.

En fin de processus de recyclage, les matériaux des ordures ménagères peuvent encore être fractionnés et économiquement valorisés. Néanmoins, de ces différentes opérations, il reste toujours des volumes colossaux de matière incinérée : objets hiératiques, conglomérats ou fine poussière. Cette Matière Ultime retourne à la terre, abandonnée sous des bâches plastiques.

Pour produire les objets et les constructions qui nous entourent, une matière première doit être extraite, transformée et déplacée. Ces opérations consomment de l’énergie à chaque étape. En fin de vie, nos objets sont à nouveau transportés, puis recyclés et dégradés dans le meilleur des cas. L’énergie contenue dans les matériaux peut être libérée par combustion, puis redistribuée dans les réseaux de chauffage à distance. Les déchets sont ainsi hautement valorisés et métabolisés dans le fonctionnement de nos villes et de nos sociétés. Ils sont un composant peu visible mais considérable de l’organisation urbaine.

Observer le stade ultime de la matière, c’est prendre conscience de l’impossibilité d’un recyclage parfait et de la réutilisation infinie de la matière. C’est en comprendre son incessante croissance, son parcours et son incidence sur le territoire.

En réaction à la métropolisation du globe, le groupe italien Archizoom Associati imagine en 1969 une utopie critique: reflet de l’état contemporain de l’urbanisation homogène des villes et des campagnes. Ils projettent un nouveau mode de vie sur un territoire totalement anthropisé, sans limite, la No-stop City.

La scénographie de l’exposition reprend ce principe d’un paysage homogène en expansion perpétuelle. Une taxonomie de mâchefer tapisse l’espace d’exposition : les pièces y gravitent, classifiées selon leurs degrés respectifs de transformation. Cette matière est visualisée sur le paysage suisse par une cartographie de son impact spatial et par des photographies de lieux d’ensevelissement. 

Cette stratégie de l’excès fait remonter à la surface l’archipel d’une nouvelle strate géologique bien réelle. Si les civilisations futures pourront y trouver la couche sédimentaire palimpseste de l’anthropocène, il nous semble nécessaire de montrer cette matière pour mieux se représenter l’impact physique de nos modes de vie sur le sol et notre environnement. Cette conscience est, selon nous, une condition essentielle de projet, dont on ne peut plus faire l’économie au 50ème anniversaire de la publication de The Limits To Growth par le Club de Rome.

La découverte du feu, Cesare di Lorenzo Cesariano, 1570.

Il y plus de 50 ans, Reyner Bahnam note dans son ouvrage The architecture of the Well-tempered Environment :

“On doit observer une différence fondamentale entre les dispositifs environnementaux de type structurels et ceux dont le feu de camp est l’archétype. Exprimons cette différence sous la forme d’une parabole, dans laquelle une tribu sauvage arrive à un campement du soir et le trouve bien fourni en bois. Il existe deux méthodes de base pour exploiter le potentiel environnemental de ce bois : soit, il peut être utilisé pour construire un brise-vent ou un abri contre la pluie – la solution structurelle – soit il peut être utilisé pour faire un feu – la solution thermique. Une tribu idéale de nobles rationalistes considérerait la quantité de bois disponible, ferait une estimation du temps probable pour la nuit – humide, venteux ou froid (climat)- et disposerait de ses ressources en bois en conséquence. Une vraie tribu, héritière de prédispositions culturelles ancestrales, ne ferait rien de tel, bien sûr, et ferait du feu ou construirait un abri selon la coutume prescrite – et c’est (…) ce que les nations occidentales civilisées font encore, dans la plupart des cas.” 

Au-delà des considérations structurelles et thermiques de Banham, il est fascinant de noter à travers ce conte naïf, le lien inextricable entre le matériau à disposition pour produire une cabane et la matière combustible pour allumer un feu. C’est le bois, ce même matériel qui est ainsi à l’origine de l’architecture classique dont l’archétype est la cabane mais aussi à la naissance de la culture développée depuis des millénaires autour du feu qui rassemble l’humanité.

Le lien que les sources d’énergie tissent entre culture et architecture n’est pas aujourd’hui aussi évident que dans la fable de Banham, et pourtant c’est bien par l’exploitation des énergies fossiles, d’abord le charbon puis le pétrole, que le monde moderne et la modernité ont pris leur essor.

Aujourd’hui, l’urgence climatique oblige la société à prendre des mesures en faveur d’une transition énergétique. Demain, ce sera donc peut-être une nouvelle architecture du monde et une nouvelle société qui pourra émerger des énergies renouvelables.

Selon vous, quelle image pourrait représenter une architecture, un monde, une société émancipée des énergies fossiles ? 

Pour déposer votre contribution et trouver les instructions, cliquer ici.

Commissariat 
Lucile Ado, Oscar Buson (Raum 404)
Cyril Veillon, Solène Hoffmann (Archizoom)

Recherche et cartographie
Lucile Ado, Oscar Buson, Lionel Epiney (Raum 404)

Photographies
Solène Hoffmann

Production podcasts
Sébastien Web

Design graphique
Sophie Wietlisbach
Atelier Dyakova

Photolithographie
Laetitia Gendre

Administration
Béatrice Raball

Montage
Esther Chatelain
Basil Ferrand
Nour Keller
Manuel Rossi
Arno Wüst

Programmation Architecture et Cinéma
Romain Barth

Remerciements
Alan Defrance
Atelier des maquettes
Atelier Jong Photographie
Daniel Böni de la KEZO, Hinwill
Pool architekten, Zurich
Les usines d’incinérations
Toutes les personnes ayant participé au Reyner Banham Story