Premiers bâtiments: signalétique et logo

Entrée du bâtiment GR, 2019 (photo Faure) La signalétique de l’entrée combine le système de Georges Calame (à gauche) et celui de Theo Ballmer (à droite).

Entrée du bâtiment GR, 2019 (photo Faure) La signalétique de l’entrée combine le système de Georges Calame (à gauche) et celui de Theo Ballmer (à droite).

Avec l’indépendance prise par l’EPFL vis-à-vis de l’Université de Lausanne en 1969 et son implantation à Ecublens s’impose l’exigence pour la jeune institution de se forger une identité visuelle propre à travers le graphisme. Sur le site, cette identité s’incarne dans une signalétique rendue d’autant plus indispensable par l’étendue des locaux. Vers l’extérieur, elle s’inscrit dans le développement d’un logo qui va connaître de multiples déclinaisons au fil des ans. Au sein de l’école comme au-delà, plusieurs graphistes vont ainsi marquer de leur empreinte le visage de l’EPFL au fil de ses cinquante premières années.

Se repérer sur le campus d’Ecublens

Avec la création d’un ensemble aussi étendu que celui de l’EPFL, la question de l’orientation devient un élément-clé dans la conception du projet architectural. Le graphisme y joue dès lors un rôle fondamental, comme le montrent d’autres grandes infrastructures de l’époque, tels l’Aéroport d’Amsterdam-Schiphol ou le Centre Beaubourg à Paris. Afin de mettre en place une signalétique claire sur le site d’Ecublens, l’EPFL fait appel en 1976 à Georges Calame (1930-1999). Graphiste genevois renommé internationalement pour son style sobre et rigoureux, très actif à l’Expo 64, il est à l’époque l’un des Romands les plus proches du « nouveau graphisme » d’influence alémanique.

Dans son étude, Calame choisit de suivre de près l’architecture rationnelle et modulaire de la première étape. Il utilise un système de grille mathématique pour désigner chacun des locaux et diviser le site en secteurs : aux secteurs des départements s’ajoutent deux parties communes à toutes les sections, le Centre Midi et le Centre Est, désignés par les abréviations CM et CE, qui règlent la distribution principale des flux des piétons. Chaque secteur est ensuite subdivisé en zones définies par des lettres. Calame inscrit toutes ces subdivisions dans une grille qui, tel un échiquier, permet d’attribuer un code à l’ensemble des cellules : chacune d’entre elles est ainsi codée par trois lettres, le chiffre de l’étage et les trois chiffres de la position sur la grille (ex. : CM A 1 105). Il fait par ailleurs le choix de mêler physiquement la signalétique à l’architecture en l’appliquant à même les surfaces des bâtiments. Pour les panneaux d’indication, il suit un principe constant : « le vert sur fond noir exprime toujours une information relative à une direction, le blanc sur fond noir une identification du lieu où l’on se trouve »1.

Malheureusement, cette vision abstraite et fortement soumise à l’architecture se révèle rapidement peu lisible, insuffisante pour le déplacement d’un point à un autre et incompréhensible pour les nombreux usager·ère·s du lieu, qui continuent de s’y perdre. La désorientation est accrue par le manque de signes aidant à raccompagner les visiteur·euse·s à leur point de départ. En outre, si Calame avait prévu une signalétique en périphérie des bâtiments afin d’orienter les usagers et les livreurs se rendant sur le site en voiture, celle-ci, trop petite et illisible pour les automobilistes, est rapidement abandonnée. Quelques années plus tard, la revue Ingénieurs et architectes suisses s’interroge : « Dès la mise en service des bâtiments de la première étape, la difficulté d’orientation dans l’EPFL à Ecublens est devenue légendaire. On mentionnait l’existence d’un ossuaire alimenté par des visiteurs à tout jamais perdus ! Ce problème est-il insoluble ? »2.

Theo Ballmer + Partner : le choix d’une seconde signalétique

Alors que la signalétique originelle se montre rapidement insuffisante, ce n’est qu’en 1985 que le bureau de graphisme Theo Ballmer + Partner, établi à Bâle depuis 1970, est mandaté pour proposer une nouvelle solution graphique au cas de l’EPFL. La tâche n’est pas simple puisque l’équipe de Ballmer doit intervenir sur un projet déjà terminé. Il en fait cependant son programme, visant à créer une « interpénétration de structures complémentaires »3, un maillage serré encore visible en 2019. Il s’agit pour Ballmer d’analyser et de se fonder sur les précédentes études afin de réaliser un concept global, intégrant le précédent système, mais plus intuitif pour le visiteur et plus ouvert à des déplacements multiples.

Pour pallier au graphisme trop intégré à l’architecture, voire invisible de Calame, Ballmer fait le choix de « l’orientation avant l’intégration »4. Il joue sur des panneaux à la graphie lisible, indépendants des bâtiments, composés de bandes amovibles et répétés à de multiples reprises afin d’accompagner au mieux la visiteuse ou le visiteur dans son parcours aller-retour et jusqu’à plusieurs « centres d’informations » distribués sur le site. Autre point crucial, une identité nominale est donnée aux bâtiments et aux salles principales, désormais désignés par des noms complets, bien plus identifiables que la longue suite d’abréviations utilisée par Calame.

En 2019, ce maillage entre différents systèmes de signalisation est devenu si serré qu’il passe quasiment inaperçu. Cette superposition d’éléments ajoutés au fil du temps ne semble cependant pas avoir entièrement réglé la question de l’orientation, comme l’indique la volonté de l’EPFL de revoir une nouvelle fois sa signalétique. La démarche va de pair avec le renouvellement de l’identité graphique et du logo de l’Ecole à l’occasion de son cinquantième anniversaire.

Le logo : de la visée locale à l’ambition internationale

L’histoire graphique de l’EPFL ne concerne en effet pas seulement la communication interne à l’école, mais également une recherche plus large d’identité visuelle liée aux ambitions de l’institution, que l’on peut observer à travers l’évolution de ses logos. Rebaptisée EPUL (Ecole Polytechnique de l’Université de Lausanne) en 1946, l’ancienne Ecole d’ingénieurs instaure un sceau à cette date. Il représente un paysage alpin et une installation hydraulique qui mettent en évidence la plupart des domaines d’étude de l’époque, formant entre autres ingénieurs civils, mécaniciens, électriciens, géomètres, physiciens et architectes. La maîtrise de la nature par le pouvoir de l’ingénierie et de la technique y est soulignée par les pictogrammes. Mis à jour en 1969 lors de la fédéralisation de l’école et modernisé en 1970, le sceau est toujours utilisé dans les documents officiels, tels que les diplômes des étudiant·e·s.

La fédéralisation de l’EPFL en 1969 et la perspective du déménagement à Ecublens confrontent cependant l’école à de nouvelles exigences graphiques. Un concours pour la recherche d’un logo est lancé en 1973 dans le but de remplacer le sceau. Les résultats sont cependant mitigés, ce qui conduit l’école à utiliser plusieurs logos non officiels jusqu’en 1980. A cette date, c’est celui de Jean-Claude Reymond, dessiné pour une première publication en couverture d’une brochure de 1971 puis légèrement modifié, qui devient le premier logo officiel de l’EPFL. Le sigle renonce désormais à toute image pour se faire purement typographique et réduit le nom de l’école à l’abréviation « EPFL ». La typographie inclinée des quatre lettres signale dynamisme et modernité, pendant que les extrémités arrondies de la version retravaillée rappellent les formes architecturales du nouveau site d’Ecublens.

A partir des années 1990, le besoin d’une charte graphique plus affirmée se fait sentir. C’est sous la direction de Jean-Claude Badoux et le crayon de Nicolas Peter que le logo de l’EPFL prend en 1993 une nouvelle forme et de nouvelles colorations. Précédée de diverses teintes entre 1993 et 1994, la couleur rouge s’impose en avril 1994. Aujourd’hui indissociable de l’école, le rouge peut symboliser la vie et l’action, mais il évoque surtout le drapeau helvétique, soulignant la dimension fédérale de l’école. Le sigle EPFL est désormais encadré d’un rectangle rouge allongé qui enferme une typographie fine aux contours souples, complétée en dessous par le nom complet de l’institution dans une police de caractères classique. Utilisé pendant un quart de siècle, ce logo n’en pose pas moins quelques problèmes de lisibilité.

En mars 2019, l’EPFL profite de l’anniversaire de la fédéralisation de l’institution pour renouveler son logo. Suite aux critiques sur le manque de lisibilité de celui de 1993, il semble opportun de produire une image plus lisible, tout en maintenant la couleur du drapeau helvétique. L’agence Moser Design prend le parti de la sobriété avec l’utilisation d’une police de caractères suisse, l’Helvetica Neue, variante de l’Helvetica créée en 1957. Les lettres ont été remaniées à la manière de pixels pour laisser transparaître la dimension numérique de l’école. On peut également percevoir dans le négatif des lettres E et F deux croix helvétiques, comme un écho au premier sigle de Jean-Claude Reymond.

Logo de l’EPFL de 2019, avec quatre lettres rouges en majuscules dans une police Helvetica Neue retravaillée.
Moser Design, logo de l’EPFL, 2019
Le logotype est réduit aux quatre lettres du sigle de l’institution dans une police Helvetica Neue retravaillée – une police suisse au caractère international, à l’image de l’EPFL.

L’évolution des sceaux et logos de l’EPFL pendant trois quarts de siècle s’opère en parallèle à celle des sigles de son ancienne université de rattachement, l’UNIL. Les choix des deux institutions voisines s’avèrent cependant très différents.

Elodie Dias (EPFL, architecture), Aude Faure (EPFL, architecture), Mellie Jeannet (UNIL, histoire de l’art)

Crédits iconographiques

Archives cantonales vaudoises, Fonds Claude Nicod (ACV)
Collection Nicolas Peter (coll. Peter) Musée national suisse, Collection des Arts graphiques (MNS)
Michel Pont, Chronique de l’EPFL, 1978-2000 : l’âge d’or de l’ingénierie, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2010 (Pont, 2010)
Aude Faure (photo Faure)

Notes

1. Georges CALAME, Système d’orientation du complexe EPFL : concept général, cahier 1, s. d. (1976-1979), n. p. (Musée national suisse, Collection des Arts graphiques).
2. Rédaction, « Comment trouver son chemin à l’EPFL ? », Ingénieurs et architectes suisses, vol. 119, n° 11, 12 mai 1993, p. 188.
3. Théo BALLMER, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne : conception d’un système d’orientation et d’information. Avant-projet sommaire, rapport du 15 septembre 1986, p. 2 (Archives cantonales vaudoises, Fonds Claude Nicod).
4. Beat IMMER, « Orientation : signalisation sur le site d’Ecublens. Cahier des charges », EPFL, Service des bâtiments, 10 juin 1985, p. 2 (Archives cantonales vaudoises, Fonds Claude Nicod).

Vue de l’ancienne entrée principale de l’EPFL.

Premiers bâtiments: circuler dans l’EPFL

La variété des espaces offerts au fil des différents parcours reproduit au sein de l’école la richesse des cheminements d’une ville.

Vue d'une partie de la façade montrant au niveau inférieur quatre fenêtres disposées de manière symétrique entrecoupées verticalement de panneaux métalliques gris ; et au niveau supérieur la terrasse couverte d'un treillis bleu triangulaire et une façade rouge en retrait.

Premiers bâtiments: formes, matériaux, couleurs

Des panneaux gris en tôle d’aluminium, une toiture portée par un treillis métallique bleu, des espaces modulaires vivement colorés: c’est la façade type des premiers bâtiments de l’EPFL.

Premiers bâtiments: l’art dans une école technique

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Un homme au centre de l’image coupe un ruban d’inauguration. Il est entouré de deux autres hommes se tenant sur le côté et d’une foule de personnes se tenant derrière lui.

Premiers bâtiments: critiques et rupture

Les premiers bâtiments de l’EPFL sont achevés en 1984. Cette première étape de construction suscite de multiples réactions.