Travaux pratiques / Laboratoires

Pour concevoir un TP avec un but prĂ©cis, il est important de comprendre quels sont (ou ne sont pas) les objectifs des travaux pratiques en gĂ©nĂ©ral. Les chercheurs·euses et les Ă©ducateurs·rices s’accordent Ă  dire que l’objectif des travaux pratiques n’est pas de rĂ©capituler les cours magistraux ou d’enseigner des techniques de pointe, mais plutĂŽt d’aider les Ă©tudiant·es Ă  dĂ©velopper (a) des compĂ©tences en matiĂšre de recherche scientifique, (b) des connaissances et des compĂ©tences disciplinaires, et (c) des compĂ©tences transversales. En d’autres termes, il s’agit d’aider les Ă©tudiantes et les Ă©tudiants Ă  penser et Ă  se comporter comme des scientifiques. 

Ainsi, de bonnes sĂ©ances de travaux pratiques leur donneront la possibilitĂ© d’analyser, de discuter et de rĂ©soudre des problĂšmes rĂ©els, en plus de favoriser le dĂ©veloppement de compĂ©tences pratiques, techniques et d’ingĂ©nierie. Les travaux pratiques sont une expĂ©rience d’apprentissage efficace lorsque les Ă©tudiant·es dĂ©veloppent des compĂ©tences pour analyser des situations nouvelles, en apprenant non seulement « comment faire Â» une expĂ©rience, mais aussi en sachant « pourquoi Â» effectuer telle ou telle Ă©tape. 

Les sĂ©ances de travaux pratiques sont de prĂ©cieuses occasions de renforcer les compĂ©tences transversales, telles que le travail collaboratif et les compĂ©tences de gestion de projet et de rĂ©solution de problĂšmes. Elles donnent en outre aux Ă©tudiant·es l’occasion d’apprendre Ă  travailler en laboratoire en toute sĂ©curitĂ©, Ă  affĂ»ter leur esprit critique dans de nouvelles situations, Ă  analyser et interprĂ©ter les donnĂ©es, et enfin Ă  noter et rapporter les procĂ©dures et les rĂ©sultats de façon correcte et professionnelle.

Les expĂ©riences traditionnelles de laboratoire (de type “application de recettes”) fournissent gĂ©nĂ©ralement aux Ă©tudiant·es trois Ă©lĂ©ments :

  • un problĂšme ou une question,
  • une procĂ©dure pour obtenir les informations nĂ©cessaires,
  • une solution Ă  laquelle on peut arriver en rĂ©pondant Ă  des questions d’analyse ou calculs effectuĂ©s avec leurs donnĂ©es expĂ©rimentales.

Si cette approche peut ĂȘtre efficace pour l’apprentissage des procĂ©dures de base, elle s’est avĂ©rĂ©e moins pertinente pour le dĂ©veloppement de la comprĂ©hension conceptuelle et des capacitĂ©s de raisonnement. 

Parmi les approches plus efficaces, citons les labos d’investigation, qui sont une occasion pour les Ă©tudiantes et les Ă©tudiants de participer Ă  des activitĂ©s de mise en pratique, ouvertes et centrĂ©es sur l’apprenant·e. Ces travaux pratiques peuvent varier dans le degrĂ© d’accompagnement prodiguĂ© aux Ă©tudiant·es :

  • Investigation StructurĂ©e : l’enseignant·e donne la question (ouverte) et la procĂ©dure Ă  suivre. 
  • Investigation GuidĂ©e : l’enseignant·e pose une question ouverte et l’étudiant·e met au point la procĂ©dure.
  • Investigation Ouverte : l’étudiant·e propose la question et la procĂ©dure.

L’approche que vous choisirez dĂ©pendra de votre contexte ainsi que de votre niveau d’assurance, et pourra changer au fur et Ă  mesure que vous acquerrez de l’expĂ©rience dans l’enseignement.

À l’EPFL :

L’exemple ci-dessous, tirĂ© du cours de D. Pioletti, MĂ©thodes expĂ©rimentales en biomĂ©canique, reflĂšte l’intĂ©gralitĂ© du travail de laboratoire donnĂ© aux Ă©tudiant·es de Ba6 ME :

Contexte : En mĂ©decine rĂ©gĂ©nĂ©rative, diffĂ©rents types de cellules sont utilisĂ©s pour favoriser la guĂ©rison et la rĂ©gĂ©nĂ©ration. Le traitement des lĂ©sions cartilagineuses du genou en est un exemple. Afin de recourir Ă  une procĂ©dure peu invasive, ces cellules sont injectĂ©es Ă  l’aide d’une seringue. Plus le nombre de cellules viables injectĂ©es est Ă©levĂ©, plus le traitement est efficace. Toutefois, le confort de la patiente ou du patient doit Ă©galement ĂȘtre pris en compte.

Question 1. Quels sont les diffĂ©rents « Ă©vĂ©nements biomĂ©caniques Â» auxquels les cellules vont ĂȘtre exposĂ©es lors de l’injection et de leur passage Ă  l’intĂ©rieur de la seringue et de son aiguille ?

Question 2. Comment pouvez-vous dĂ©terminer l’impact de ces « Ă©vĂ©nements Â» sur la viabilitĂ© des cellules ?

Question 3. Quelle solution proposeriez-vous pour injecter de maniĂšre optimale les cellules chez une patiente ou un patient ?

Par petits groupes, les Ă©tudiant·es dĂ©cident des donnĂ©es qui leur seront nĂ©cessaires pour rĂ©pondre aux questions et conçoivent un protocole appropriĂ©. Chaque groupe se penche sur des paramĂštres et une approche lĂ©gĂšrement diffĂ©rents. Cette capacitĂ© Ă  essayer, Ă  prendre des dĂ©cisions et Ă  dĂ©fendre ses rĂ©sultats de façon autonome permet aux Ă©lĂšves du D. Pioletti de dĂ©velopper des compĂ©tences expĂ©rimentales authentiques.

À l’UniversitĂ© de Rhode Island
  1. Gindy & G. Tsiatas donnent le travail de laboratoire suivant Ă  leurs Ă©tudiant·es :

Vous disposez de deux structures en treillis d’acier semblables Ă  celles utilisĂ©es dans les laboratoires prĂ©cĂ©dents. L’un des treillis est endommagĂ© et l’autre pas. Votre tĂąche est d’identifier la structure endommagĂ©e Ă  l’aide de mesures et de simulations, de prĂ©parer un rapport prĂ©liminaire dĂ©crivant l’approche de test et la mĂ©thodologie utilisĂ©e pour prendre votre dĂ©cision, et de proposer un plan d’essais pour localiser et Ă©valuer le type et le degrĂ© des dommages, y compris le type, le nombre et l’emplacement des capteurs, les mĂ©thodes expĂ©rimentales et les rĂ©sultats attendus.

Dans ce cas, un groupe d’étudiant·es a proposĂ© d’évaluer les propriĂ©tĂ©s vibratoires des treillis au moyen d’un marteau Ă  impulsions et d’accĂ©lĂ©romĂštres, tandis qu’un second groupe a Ă©valuĂ© la dĂ©formation et le dĂ©placement de la structure sous charge contrĂŽlĂ©e en utilisant diffĂ©rentes mĂ©thodes de mesure.

Souvent les Ă©tudiant·es ne comprennent pas que le cahier de laboratoire doit ĂȘtre un recueil complet des procĂ©dures mises en Ɠuvre, y compris les observations brutes et les idĂ©es naissantes ou explications suscitĂ©es pendant l’expĂ©rience. Les Ă©tudiant·es pensent plutĂŽt que le but du cahier de laboratoire est de prĂ©senter un exposĂ© propre et linĂ©aire de l’expĂ©rience « parfaite Â» et non le rĂ©cit authentique de leurs actions et des rĂ©sultats. Ce faisant, elles et ils passent Ă  cĂŽtĂ© des dimensions complexes, crĂ©atives et authentiques de la vĂ©ritable recherche. Il faut donc veiller Ă  fixer des critĂšres de notation qui incitent les Ă©tudiant·es Ă  ne pas Ă  vous faire un compte rendu stĂ©rile, mais qui les amĂšnent plutĂŽt Ă  vous faire part de leurs expĂ©riences authentiques. Les laboratoires de dĂ©couverte ou d’investigation oĂč les Ă©tudiant·es ne se contentent pas de reproduire un procĂ©dĂ© imposĂ© se prĂȘtent bien Ă  leur faire apprĂ©cier le vĂ©ritable rĂŽle d’un cahier de laboratoire.

Il convient d’aider les Ă©tudiant·es Ă  choisir le bon Ă©quipement pour la tenue du cahier de laboratoire, sur papier ou Ă©lectronique (par exemple le service LIMS en SV), et la mise en place d’une structure pour l’organisation de leurs dossiers. En outre, les Ă©tudiant·es doivent apprendre Ă  considĂ©rer leur cahier de laboratoire comme un document juridique important pour les futures demandes de brevet ou pour Ă©carter tout soupçon de fraude dans leur recherche.

Poser des questions est un bon moyen de vĂ©rifier la comprĂ©hension des Ă©tudiantes et des Ă©tudiants et de les maintenir sur la bonne voie. Les questions que vous posez peuvent dĂ©pendre du stade auquel se trouvent les Ă©tudiant·es dans le dĂ©roulĂ© de leur session de laboratoire. Voici quelques questions typiques que vous pouvez leur poser :

  • Au dĂ©but : Que vous attendez-vous Ă  voir et pourquoi ? Qu’estimez-vous difficile Ă  mesurer/quantifier/Ă©valuer et pourquoi ? Quels Ă©quations/thĂ©orĂšmes/cadres pensez-vous appliquer ?
  • En cours d’exercice : Sur quel genre de choses prenez-vous des notes ? Vos observations sont-elles conformes Ă  ce que vous attendiez ? Pourquoi pensez-vous que ceci s’est passĂ© ? Qu’allez-vous faire ensuite et pourquoi ?
  • En phase finale : Avez-vous pensĂ© Ă  la rĂ©daction de votre rapport ? Qu’avez-vous appris aujourd’hui ? Comment l’expĂ©rience d’aujourd’hui se rapporte-t-elle Ă  ce que vous avez appris auparavant ?

En rĂ©pondant Ă  votre tour Ă  leurs questions, essayez de faire en sorte que ce soient les Ă©tudiantes et les Ă©tudiants qui fassent le gros de la rĂ©flexion (plutĂŽt que de compter sur vous ou sur les assistant·es) en recadrant leurs questions ou en posant des questions suggestives qui les incitent Ă  trouver eux-mĂȘmes la rĂ©ponse. Vous pouvez Ă©galement leur suggĂ©rer de discuter avec un autre groupe, de revoir leurs notes de cours ou de consulter un ouvrage de rĂ©fĂ©rence.