Vers un indicateur d’accessibilité prenant en compte la qualité individuelle du temps de trajet
Jules Grandvillemin – Dir. Vincent Kaufmann & co-dir. Samuel Carpentier-Postel
La littérature sur l’accessibilité exprime souvent l’effort que les individus doivent fournir pour atteindre une destination en termes de rationalité instrumentale, à savoir le moins cher et le plus rapide. De ce point de vue, la qualité du temps perçu lors d’un voyage, par opposition à sa désutilité présumée, doit faire l’objet de recherches plus approfondies. Ce travail vise à mieux la comprendre afin de permettre l’intégration de raisons plus subjectives pour les facteurs d’entrave dans les mesures d’accessibilité. Pour ce faire, l’étude utilise une approche analytique qui considère les interrelations entre trois concepts clés (accessibilité, motilité et rythme) à travers le prisme de deux niveaux d’analyse : (1) les structures socio-spatiales (2) et les individus. En outre, trois conclusions établies constituent la base du projet : (i) Les indicateurs d’accessibilité doivent intégrer la logique de l’action, plus en phase avec les subjectivités individuelles, en intégrant les capacités des personnes à se déplacer, ce qui pourrait également donner un aperçu de leur capacité à gérer les contraintes de temps lorsqu’elles sont mobiles ; (ii) La nécessité de considérer les aspirations rythmiques des individus à travers le prisme des projets de mobilité (une des trois caractéristiques de la motilité) dans toute leur diversité et de déterminer les empreintes carbone associées ; (iii) La notion de qualité du temps doit être évaluée à travers le prisme des compétences des individus (une autre caractéristique de la motilité) pour discerner les conditions optimales de leur mobilité et si cela contribue à leur bien-être. Pour analyser ces résultats, nous nous appuierons principalement sur des méthodes mixtes pour comprendre ce qui fait la qualité du temps dans la mobilité. Une approche plus quantitative permettra de développer un indicateur d’accessibilité, qui intégrera la motilité et la qualité du temps sous la forme de pondérations dans les facteurs d’impédance pour relativiser l’effort associé aux variables temporelles telles que la durée du temps de déplacement. Les résultats de cette étude fourniront des indications précieuses sur l’intégration des subjectivités individuelles dans un indicateur d’accessibilité, qui peut être utilisé comme outil d’aide à la décision pour soutenir les mesures publiques au niveau des structures socio-spatiales qui pourraient promouvoir une accessibilité territoriale plus équitable sur le plan social et plus durable sur le plan écologique. L’outil développé à l’issue de cette recherche peut également être utilisé pour aider les individus à prendre en compte les critères qui facilitent la qualité du temps dans leur mobilité tout en améliorant leur aptitude à atteindre les destinations souhaitées.
Avoir peur: des ordres urbains et le sentiment d’insécurité
Chloé Montavon – Dir. Vincent Kaufmann & co-dir. Sandra Mallet
La thèse porte sur le sentiment d’insécurité dans la ville, particulièrement la nuit, en tant que phénomène social. Elle s’appuie sur une démarche descriptive et compréhensive, prenant respectivement en considération les sens communs, mais également les dimensions matérielle et expérientielle de l’urbain. Ce projet est né de deux constats établis : (1) des processus d’exclusion se jouent dans l’espace public de nuit et sont communément associés à l’insécurité que peuvent ressentir certains groupes sociaux lorsqu’ils le fréquentent ; et (2) seules certaines insécurités font l’objet de réflexions publiques pour garantir un espace sûr, des arbitrages politiques sont donc effectués pouvant affecter certaines minorités sociales. Pour observer ces constats, nous nous intéresserons aux conditions d’activation du sentiment d’insécurité et des réponses à celui-ci. Nous porterons une attention particulière à la temporalité des situations, notamment à la nuit, celle-ci étant une scène propice à la mise en évidence d’inégalités entre les groupes sociaux. Pour réaliser cette enquête, nous nous appuierons sur une méthodologie aussi bien quantitative que qualitative, afin d’appréhender la thématique aux croisements de ses dimensions matérielles et expérientielles. Les résultats de cette recherche contribueront à éclairer la dimension sociale de l’espace public afin de soutenir des mesures publiques pour une ville plus inclusive.
Dépendance à la mobilité dans les régions rurales-urbaines : le cas de Creil et la Roche-sur-Foron
Maya El Khawand – Dir. Caroline Gallez (LVMT, Université Gustave Eiffel) & co-dir. Vincent Kaufmann
Au cours des dernières décennies, l’amélioration des conditions de déplacement a entraîné des transformations socio-spatiales, notamment l’étalement urbain et l’augmentation des distances entre les logements et les lieux de travail. Ces changements spatiaux ont entraîné d’importantes inégalités sociales, telles que l’accès limité aux modes de déplacement rapide, qui dépend fortement de caractéristiques personnelles telles que l’âge, le revenu, le sexe, etc. (Geurs, Van Wee, 2014) ou à des lieux de résidence dotés de bonnes commodités ou de services de transport public efficaces. Ces deux transformations spatiales des zones urbanisées et la valorisation sociale de la mobilité ont entraîné un besoin accru de se déplacer plus fréquemment, parfois plus loin et plus vite (Kaufmann, 2008). Ce processus de ” dépendance à la mobilité ” se traduit par deux formes de préjudices pour les groupes sociaux précaires : un manque d’accessibilité pour ceux qui n’ont pas accès à la mobilité, ou des coûts financiers importants, des déplacements difficiles et plus longs pour les personnes mobiles mais fortement contraintes dans leurs déplacements (Fol, Gallez, 2017).
Dans les années 1990, pour contrer les effets de la dépendance à la voiture et de l’étalement urbain, Peter Calthrope a développé la doctrine du ” Transit Oriented Development ” (TOD). Alors que ce modèle est principalement appliqué dans les zones urbaines denses, le projet européen TOD IS RUR, dont cette recherche fait partie, s’intéresse à la manière dont ce modèle de développement pourrait être étendu aux zones faiblement urbanisées. Dans cette thèse, nous nous intéressons à la capacité d’un modèle ferroviaire à modérer la dépendance à la mobilité dans les zones périurbaines et rurales, notamment pour les personnes à revenus modestes et en particulier les femmes.
Cette thèse est basée sur une comparaison entre deux études de cas : Creil, une commune située aux limites extérieures de l’Ile de France. Elle est fortement dépendante de la métropole, ce qui se traduit par un taux élevé de déplacements quotidiens. La seconde étude de cas est la petite ville de “La Roche-sur-Foron”, située dans la périphérie française de la métropole de Genève et desservie par le nouveau chemin de fer Léman Express, l’infrastructure transfrontalière franco-suisse.
Faire la différence par les pratiques spatiales (titre provisoire)
Sanja Platisa – Dir. Yves Pedrazzini & co-dir. Vincent Kaufmann
La population urbaine en croissance rapide et très différenciée remet en question les pratiques de planification urbaine. Les villes se caractérisent aujourd’hui par une structure hétérogène d’habitants, une diversité de cultures, de nationalités, de religions, de langues, etc. Ces différences se reflètent également dans les besoins spatiaux et pratiques des habitants.
Participant au projet FNS Difference-Oriented Urban Planning, cette thèse de doctorat a pour l’objectif d’étudier la relation entre la forme et l’utilisation de l’espace urbain d’une part, et les identités complexes des habitants de l’autre. Pour cela, elle se concentre sur les perceptions des habitants originaires des Balkans et parlant la langue serbo-croate. Pour atteindre cet objectif, les données obtenues grâce à l’analyse spatiale architecturale combinées à des entretiens avec des méthodes de cartographie mentale seront utilisées. Les résultats de l’étude seront utilisés ultérieurement pour permettre des processus de participation dans la pratique de la planification urbaine, dans le but d’identifier et de promouvoir des mesures pratiques que les urbanistes peuvent mettre en œuvre pour contribuer à la création de territoires urbains durables et inclusifs.
Des recherches interdisciplinaires, dans le cadre du projet Diff-Urb, seront menées dans 4 villes européennes (Genève, Bruxelles, Turin et Hambourg) avec des traditions de planification urbaine et des modèles de gouvernance différents, avec un regard sur Belgrade comme cas miroir, pertinent pour le sujet de la recherche.
Durées déterminées: Sociologie d’un ‘chez soi’ à l’épreuve de la flexibilité : le cas des Millenials en sous-location et co-living à Genève et Londres (titre provisoire)
Fiona Del Puppo – Dir. Luca Pattaroni (LASUR EPFL) & co-dir. Garance Clément (Morgan Centre, University of Manchester)
Le projet de thèse s’inscrit au carrefour de la sociologie du travail et de la sociologie du logement. Elle s’intéresse à l’idéal de flexibilité néo-libéral, qui déstabilise le marché du travail. L’injonction à la mobilité, l’éthique de la performance individuelle et de l’accomplissement de soi se diffuse dans toutes les sphères de l’existence, en particulier pour la « Génération Y » qui vit aujourd’hui une transition vers l’âge adulte incertaine. En effet, celle-ci n’est plus marquée par les épreuves traditionnelles de la fin des études, la stabilité sur le marché du travail, la mise en ménage. À l’injonction à la mobilité, aux statuts d’emplois précaires à durée déterminée, le marché du logement répond aux Millenials par une offre d’habitat flexible, partagé et à durée déterminée : les sous-locations et coliving. À partir de méthodes qualitatives d’entretiens et d’observations ethnographiques dans ces formes d’habitat à Genève et à Londres, mais aussi de méthodes graphiques originales, le travail de thèse cherche à étudier les épreuves et les modalités socialement différenciées de la constitution du « chez-soi » à durée déterminée et partagé. La recherche porte en parallèle sur la recomposition de la matérialité et de la spatialité du logement d’une génération soumise aux tensions de la flexibilité, qui constitue ainsi un point de cristallisation pertinent depuis lequel observer de plus larges dynamiques sociales en jeu. En travaillant à forger une science renouvelée de la constitution du chez soi, elle s’inscrit dans le travail plus large du projet « Domotopie » qui vise à comprendre l’impact de l’évolution des rythmes de vie sur le rapport au logement.
La motilité comme ressource pour l’insertion socio-professionnelle (titre provisoire)
Éloi Bernier – Dir. Vincent Kaufmann & Rafael Lalive (HEC UNIL)
L’objectif scientifique de cette thèse financée par l’EPFL est de développer un indice mesurant l’aptitude d’un individu à être mobile pour s’insérer durablement dans le monde professionnel.
L’indice est centré sur les accès individuels (pouvoir bouger), les compétences (savoir bouger) et les projets de mobilité, mis en relation avec le champ des possibles de l’individu en matière de mobilité et analysés dans la perspective de son projet professionnel. Sa construction statistique permet de pondérer objectivement le poids de chaque composante au sein de l’indice, à partir des données issues de l’observation d’un échantillon de demandeurs d’emploi accompagnés depuis 2021 par des plateformes “mobilité-insertion” du réseau MOBIN dans plusieurs régions françaises.
Pour ces plateformes “mobilité-insertion” un tel indice peut servir, entre autres, à attester de l’impact social du dispositif d’accompagnement auprès des financeurs par comparaison de l’indice en début et en fin d’accompagnement. Cet indice permet d’attester de la progression de l’autonomie des bénéficiaires plus finement qu’au moyen des indicateurs usuels, souvent binaires et focalisés sur l’obtention du permis et le retour à l’emploi.