Promotion de l’énergie solaire – protection du contexte urbain
Responsables: Dr Maria Cristina Munari Probst, Christian Roecker
Introduction
De nouvelles normes énergétiques, en conjonction avec l’obligation de produire une certaine partie de l’électricité et de l’eau chaude sanitaire par de l’énergie solaire, introduisent de nouvelles géométries et de nouveaux matériaux dans les bâtiments, aboutissant à de nouvelles formes architecturales qui modifient progressivement nos paysages urbains.
L’accroissement de l’utilisation de capteurs solaires actifs dans les bâtiments est clairement nécessaire et bienvenue, mais elle apporte des changements majeurs dans les environnements existants. La grande taille des capteurs solaires à l’échelle du bâtiment demande une planification soignée, ceux-ci risquant de compromettre l’esthétique des bâtiments, menaçant l’identité de contextes/quartiers entiers.
La vision sous-tendant notre approche est que l’intégration du solaire est possible même dans les environnements délicats, pour autant que les efforts suffisants soient faits en termes de design et de coût. Si ces investissements ne peuvent pas être consentis, il peut être préférable de repousser l’opération, les intégrations de mauvaise qualité finissant généralement par juste décourager les utilisateurs potentiels. A contrario, bien réalisés, de tels exemples peuvent être parmi les éléments moteurs du développement du solaire, remboursant largement leur surcoût.
LESO-QSV method
La question n’est donc plus d’être pour ou contre l’utilisation d’installations solaires dans les villes, mais revient plutôt à définir localement des niveaux minimaux de qualité d’intégration, et d’identifier les facteurs permettant d’établir une politique solaire intelligente qui préserve la qualité des contextes urbains existants tout en permettant l’utilisation de l’énergie solaire.
La méthode LESO-QSV apporte des réponses claires et objectives dans ce débat:
A – Premièrement elle clarifie la notion de qualité architecturale des intégrations et propose une méthode simple d’évaluation de cette qualité, basée sur un ensemble de critères basés sur des connaissances scientifiques [2].
Fig. 1 Les étapes d’évaluation de la qualité et la représentation graphique des résultats
B – Ensuite elle aide les autorités à établir et mettre en place une politique locale d’acceptabilité des installations, basée sur la notion de « criticité » architecturale des surfaces urbaines (LESO-QSV Acceptabilité)
Le concept de « criticité » est à la base de toute l’approche, la « criticité » (Fig. 2, à gauche) étant définie par la Sensibilité du contexte urbain dans lequel l’installation solaire est prévue et par sa Visibilité (proche et lointaine)(Fig. 2 à droite) depuis le domaine public. Plus la zone urbaine est sensible et plus l’installation sera visible, plus la qualité nécessaire sera élevée.
En pratique ce seront les autorités qui seront chargées de fixer les niveaux de qualité d’intégration requis pour chacune des 9 « situations » de criticité, en tenant compte des spécificités géographiques et sociales locales (orientation politique, disponibilité de ressources énergétiques, image identitaire de la ville…)(Fig. 2)
Fig.2-à gauche: Grille de “criticité”, croisant la sensibilité des contextes urbains avec la visibilité des surfaces de bâtiments; à droite en haut: Différentes sensibilités de contextes (haute-moyenne-basse); à droite en bas: Différents degrés de visibilité proche.
Pour aider les autorités à fixer ces attentes de qualité, un logiciel dédié a été développé (LESO-QSV GRID, Fig. 3) pour montrer l’impact que quelques standards prédéfinis d’exigences de qualité peuvent avoir sur l’acceptabilité d’un grand nombre d’exemples d’intégration (plus de 100 cas emblématiques). Ces installations, bien documentées, sont aussi fournies comme modèles pour les autorités sur la façon d’évaluer objectivement la qualité des intégrations, et constituent une importante collection d’exemples pour inspirer architectes, installateurs et propriétaires.
Fig.3 : capture de l’écran principal du logiciel LESO-QSV GRID
- Grille d’acceptabilité de cette commune: c.à.d. qualité d’intégration demandée en fonction de la visibilité du système et de la sensibilité de la zone. Ce sont les critères à remplir pour que l’installation soit acceptée..
- Sélection de la grille d’acceptabilité (Uniquement à l’usage de la Commune) : les exigences de qualité peuvent être choisies en utilisant des grilles prédéfinies (plus ou moins sévères) ou composées librement.
- Collection d’exemples d’intégration: une base de données de plus de 100 cas est affichée en fonction des filtres choisis(5). Cette collection sert à : – aider les Municipalités à choisir une grille d’acceptabilité qui leur convienne en montrant l’impact des grilles prédéfinies sur la collection d’exemples ; – fonctionner comme modèle d’évaluations de la qualité pour les autorités ;- inspirer les architectes, les installateurs, les propriétaires…
- Affichage des détails du cas: cette fenêtre apparait lorsque l’on clique sur un cas particulier. Les détails de l’évaluation apparaissent avec davantage d’information et des images additionnelles du cas.
- Zone de choix des filtres: Les cas affichés peuvent être filtrés suivant le type d’installation solaire, sa position, sa dimension , la sensibilité du contexte, la visibilité du système , la qualité de l’intégration.
- Boutons de filtre principaux :Cas acceptés / Cas refusés
C – Finalement la méthode propose une voie permettant d’adapter la politique de promotion de l’énergie solaire aux spécificités de l’urbanisme local en réalisant une carte de la « criticité architecturale » des surfaces de la ville et de combiner cette information avec la carte d’irradiation solaire de la cité (LESO-QSV cross-mapping). Cette carte résultante pondère l’irradiation sur une surface par sa criticité architecturale, évaluant l’intérêt/la difficulté d’utiliser cette surface pour la production solaire, et permettant de fixer des priorités d’intervention, de planifier des subsides intelligemment, etc… Un travail de thèse en cours explore les possibilités d’utiliser l’information « GIS » pour déterminer automatiquement la visibilité des surfaces de la ville, de façon à faciliter l’élaboration des cartes de criticité mentionnées.
Un “dossier de mise en œuvre” complet à l’usage des municipalités désirant utiliser la méthode pour fixer et mettre en place des éléments locaux d’acceptabilité dans leur environnement sera proposée à la fin de cet été.
A l’heure actuelle, la méthode est utilisée:
- dans le cadre des activités de la Tâche 51 de l’AIE « Solar Energy in Urban design”, comme outil pour évaluer la qualité et l’acceptabilité de différentes approches d’intégration du solaire proposées parmi les cas d’étude récoltés pour la sous-tâche C, et comme l’une des méthodes théoriques considérées comme prometteuses par la sous-tâche B Approches, Méthodes et Outils.
- comme base fondamentale de l’enseignement dans trois cours dispensés actuellement à l’EPFL (en Suisse) et à l’IUAV (en Italie), adressés aux étudiants master en architecture et aux étudiants bachelor en architecture, génie civil et génie de l’environnement.
Références
[1] Munari Probst, MC., Roecker, C., Solar Energy promotion and Urban Context protection: LESO‐QSV (Quality – Site – Visibility) method, in proceedings PLEA 2015, Bologna, Italy 2015.
[2] Munari Probst, MC., Roecker, C., editors, Solar energy systems in architecture – integration criteria and guidelines, IEA SHC Task 41 , 2012
[3] Krippner, R. , Herzog, T., Architectural aspects of solar techniques – Studies on the integration of solar energy systems, in Proceedings Eurosun 2000, Copenhagen, 2000.
[4] Munari Probst, MC., Roecker, C., Towards an improved architectural quality of building integrated solar thermal systems (BIST), Solar Energy, 2007.