Après l'approbation de la révision de la loi sur l'aménagement du territoire par le peuple le 3 mars dernier, de nombreuses communes valaisannes vont devoir réduire leur zone à bâtir pour la faire correspondre aux besoins prévisibles des 15 prochaines années. A quoi bon? pourrait-on se demander. Pourquoi créer une rareté là où existe l'abondance et risquer ainsi de faire monter les prix fonciers? Et comment redimensionner et indemniser les propriétaires dont les parcelles cesseraient d'être constructibles?
Le but premier de l'aménagement du territoire est d'organiser l'occupation du sol et le développement des agglomérations de façon à obtenir un résultat qui préserve au mieux le paysage et les surfaces naturelles et agricoles, qui favorise une cohabitation harmonieuse et qui ménage les finances publiques. En limitant la zone à bâtir aux besoins des 15 prochaines années, la commune garde une certaine maîtrise sur l'urbanisation de son territoire: les constructions seront concentrées sur les parcelles prévues pour cela.
Pour comprendre, imaginons un modèle simplifié avec un village entouré de 100 parcelles de 800 m2 chacune. On prévoit que sur les 15 prochaines années 30 parcelles seront construites. Si les 100 parcelles sont déclarées constructibles, les futurs habitants jouissent de la plus grande liberté pour choisir où s'installer. Comme nous avons tendance à préférer le voisinage de pâturages et les vues dégagées, les habitants choisiront 30 parcelles éparpillées, résultant en un "mitage du territoire". La commune devra aménager à grands frais les infrastructures permettant de raccorder les 30 parcelles éparpillées aux réseaux urbains. En passant, elle aura pratiquement aussi équipé les 70 autres parcelles.
Si au contraire la commune n'accorde les droits à bâtir qu'à 30 parcelles regroupées à proximité du village, celui-ci va croître harmonieusement et les infrastructures pourront être étendues graduellement. La densité sur chaque parcelle ne sera pas plus élevée que dans le premier scénario; les villas seront simplement construites à proximité les unes des autres plutôt qu'aux antipodes du territoire communal.
Revenons à l'hypothèse que la commune a déclaré toutes les parcelles constructibles. Si la LAT est révisée, elle sera obligée de faire ce qu'elle aurait dû faire dès l'entrée en vigueur de la Loi sur l'aménagement du territoire en 1980, soit désigner les 30 parcelles à urbaniser en premier. Mais les conditions seront très différentes parce que le territoire communal sera déjà "mité" et parce que la commune devra retirer des droits à bâtir au lieu de les octroyer. La planification sera beaucoup plus difficile, mais il devrait être possible de désigner les 30 parcelles dont le développement prochain est le plus judicieux du point de vue du but premier de l'aménagement du territoire.
La loi oblige les communes à compenser la perte de valeur des parcelles déclassées. On notera que la législation ne semble accorder que des droits aux propriétaires fonciers: le droit de conserver la plus-value lorsque la commune leur octroie des droits à bâtir et le droit à une indemnité lorsqu'elle leur en retire. Dans ces conditions, un propriétaire devrait accepter volontiers de céder ses droits à bâtir, puisqu'il est indemnisé et même plus rapidement que les propriétaires des 30 parcelles qui restent constructible, dont certains devront attendre jusqu'à 15 ans pour trouver un acheteur. Certains de ces propriétaires indemnisés avaient peut-être prévu de s'installer prochainement, ou leurs enfants, sur leur parcelle déclassée. Mais dans ce cas l'indemnité leur permet d'acheter l'une des 30 parcelles restantes.
Dans la pratique, on voit que les propriétaires menacés de déclassement résistent. Ils ont compris que les 30 parcelles restantes vont prendre de la valeur une fois que la surabondance de parcelles aura été supprimée. Pas de beaucoup et pas immédiatement, puisqu'il y en a quand même encore assez pour 15 ans. Si la commune gère bien son territoire, elle révisera régulièrement son plan d'aménagement et inclura des terrains au fur et à mesure des besoins. Il est fort possible que des terrains déclassés suite à la révision de la LAT soient réintégrés dans la zone constructible dans 5 ou 10 ans. Leurs propriétaires auront alors bénéficié de l'indemnité de déclassement et de la plus-value lors du reclassement!
Il appartient à la commune de bien gérer cela en planifiant son développement au-delà des 15 ans. Concrètement, elle peut placer une sélection des 70 terrains déclassés dans une zone de prochain développement. On saura alors que ces terrains ont une forte probabilité de redevenir constructibles dans 5 ou 10 ans et ils perdront beaucoup moins de valeur. Du coup, l'indemnité à verser est aussi beaucoup plus faible que s'ils retournaient définitivement dans la zone agricole.
En calculant soigneusement les indemnités des terrains déclassés, une commune peut en limiter l'impact sur son budget. En revanche, on ne lui remboursera pas le réseau d'infrastructures qu'elle a construit pour équiper les 100 parcelles. Cette erreur est irrécupérable. Même si elle continuait de laisser les 30 prochaines familles s'installer n'importe où sur les 100 parcelles, 70% du réseau seraient perdus car inutilisés. La faute n'en incombe pas à la révision de la LAT mais bien au manque de planification initiale.