Contexte historique de production des cartes cadastrales vaudoises (Ancien Régime – 1840)

Après 1536 et la conquête du Pays de Vaud par Berne, les autorités bernoises ont voulu connaître la taille et les revenus des terres nouvellement acquises : pour cela, des documents appelés terriers ont été établis. À un intervalle de vingt ou trente ans, les tenanciers des terres doivent annoncer les possessions dont ils jouissent, processus appelé reconnaissance. La difficulté avec ce type de documents est l’absence, le plus souvent, de plans annexes ou de bornage. C’est pourquoi, dès la seconde moitié du xviie siècle, des plans sont peu à peu établis. Ces plans, à la différence des terriers, ne concernent pas uniquement un fief particulier, mais une partie du territoire sans distinction de fief. C’est-à-dire que le plan est relevé en fonction d’un lieu, et non en fonction d’un fief spécifique qui peut être réparti en différents endroits.  Les premiers exemplaires sont établis entre 1650 et 1660, mais ne sont réalisés systématiquement que lors de la grande rénovation des fiefs de 1673 et 1674. Cette entreprise est suivie en 1691 par le regroupement des reconnaissances passées devant un commissaire dans une même grosse (i.e. un volume regroupant la liste des terres avec leurs locataires et propriétaires), laquelle est accompagnée d’un plan terrier.  Ces premiers plans sont réalisés à vue, sans mensuration des terres. Avant la fin du xviie et le début du xviiie siècle, il n’existe donc pas de véritables plans, si ce n’est pour certaines propriétés, et les grosses de reconnaissance constituent les instruments principaux du contrôle de la propriété.

Quelques plans terriers existent déjà auparavant, comme en atteste la liste donnée par Eugène Mottaz. Le plus ancien est celui de Denges (1658), suivi par celui d’Yvorne (1660), Chessel et Aigle (1661). Il ne s’agit cependant pas d’un cadastre car la valeur des terres et des bâtiments n’y est pas mentionnée. Le but n’est pas de pouvoir percevoir la taille, qui n’existe quasiment plus, mais de savoir à quel fief appartient la terre, de prélever d’autres impôts et de contrôler les aliénations et les mutations.

La prochaine étape est l’établissement d’un cadastre qui, malgré une loi en décembre 1800, ne voit pas le jour pendant la République Helvétique. Pourtant, l’arrêté du 10 février 1801 met en place un protocadastre contenant pour chaque propriétaire tous les immeubles lui appartenant. Cependant, aucune loi n’ordonne l’établissement de nouveaux plans.

Le 18 mai 1804, une loi ordonne la levée des plans géométriques pour tout le canton de Vaud. Mais cette loi ne fut jamais mise en application. Un arrêté sur la levée des plans est promulgué le 6 février 1812 à la suite duquel une liste des communes prioritaires doit être réalisée. Entre 1813 et 1835, les commissaires arpenteurs réalisent les plans des communes.

Les plans cadastraux sont souvent sous-estimés en tant que source, car difficiles à compiler compte tenu du grand nombre de planches réalisées pour une paroisse ou une commune. Cependant, comme de nombreuses sources historiques, en les recoupant avec d’autres documents, il est possible de les exploiter. Ils sont par exemple utiles pour étudier le paysage, la nature des exploitations agricoles, l’évolution du bâti, etc. 

Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’apparaît le registre foncier compilant les terres par propriétaire, permettant d’établir la fortune foncière. Même si une loi du 19 octobre 1798 demande la création d’un registre des biens-fonds et de leurs propriétaires, qui donne lieu à un premier effort sous la République Helvétique entre 1801 et 1802, le protocadastre n’est véritablement établi dans toutes les communes que dès 1807. Enfin, le cadastre cantonal est révisé entre 1836 et 1840, car celui-ci était devenu de piètre qualité trente ans après sa réalisation. C’est ainsi qu’en 1840 les registres sont entièrement revus.

Les plans cadastraux vaudois ont été peu étudiés, sinon dans quelques articles ou contributions, de manière parfois très simple, pour décrire les contours d’une ville, les propriétaires des terres et l’évolution du bâti comme dans le cas de la Tour-de-Peilz, ou de manière plus complexe afin de déterminer l’évolution de la fiscalité, à l’exemple de Belmont-sur-Lausanne aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les plans peuvent également servir à analyser les parcelles et leurs cultures, afin d’apporter des informations supplémentaires concernant l’organisation agricole d’une commune.

Bibliographie

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